Tandis
que je compose le numéro de Marie-Louise, Nicolas me lance un « à
bientôt, Arthur ! » avant de sortir. Je le salue de la
main, avant de rapporter mon attention sur mon téléphone. Au bout
de deux sonneries, la voix gouailleuse de Marie-Louise me répond :
-« Allô,
Arthur ? »
-« Oui,
c'est moi. Je ne te dérange pas, j'espère ?»
-« Non,
pas du tout, ne t'en fais pas. Alors, qu'est-ce qu'il y a ? »
Elle marque une petite pause. « C'est à propose de la fille
avec laquelle tu as parlé ce matin ? »
J'aime
la façon qu'a Marie-Louise de deviner ce que les gens veulent avant
qu'ils ne le disent.
-« Exactement »,
j'acquiesce. « Je voulais juste savoir si, par le plus grand
des hasards, tu ne connaîtrais pas son nom. »
Le
rire de Marie-Louise me fait sourire.
-«
Son nom et bien plus que ça ! », dit-elle non sans humour
avant de rester silencieuse pendant un moment.
-« Alors ? »,
je demande en essayant de retenir une impatience montante.
-« Alors,
elle s'appelle Lucie, pour commencer. »
Lucie.
C'est un beau prénom, plein de lumière. J'avoue que je n'ai pas
vraiment tenté de lui imaginer un prénom, je m'étais juste
contenté de l'appeler "l'inconnue" dans ma tête. Lucie.
Lucie.
-«
Elle a emménagé ici il y a quinze jours, je crois, et elle n'est
pas beaucoup sortie, c'est sans doute pour ça que tu ne l'avais
jamais vu », continue Marie-Louise.
Mon
cerveau se crée rapidement un film autour de Lucie dans son nouvel
appartement, déballant des cartons remplis à craquer de dessins.
-« Elle
habite où ? Si jamais ce n'est pas indiscret, je veux dire »,
je m'empresse d'ajouter afin de ne pas paraître trop intéressé.
Au
silence qui suit cette déclaration, je sais que Marie-Louise sourit.
Son sourire est si large que je crois presque l'entendre à l'autre
bout du fil. Le silence commence à s'éterniser. Je suis sur le
point de répéter "alors" lorsque Marie-Louise est encore
une fois plus rapide.
-« Tu
vois la galerie d'art de Catherine Redda ? », me
demande-t-elle avant d'enchaîner sans me laisser le temps de
répondre : « Lucie habite juste au-dessus. Catherine et
elle sont amies et il me semble bien que c'est Catherine qui lui a
parlé de cet appartement en premier lieu. D'ailleurs, il y a un
vernissage public ce soir, à dix-neuf heures trente. Lucie y sera
peut-être ? »
Je
n'arrive pas à déterminer si Marie-Louise est moqueuse ou sincère.
-« J'irais
probablement y faire un tour », dis-je. « Merci pour la
conversation, Marie-Louise. »
-« Mais
de rien, Arthur. C'était un plaisir. »
Après
avoir raccroché, je m'accorde cinq minutes de réflexion.
Finalement, je sors de nouveau mon téléphone et envoie rapidement
deux messages à Nicolas :
« Mon
inconnue s'appelle Lucie et elle sera sûrement à un vernissage ce
soir. »
« Et
j'y vais. »