Tous les dimanches, nouvelle publication d'un récit (en langue française) d'un jeune romancier français, ou plutôt une jeune romancière française puisqu'il s'agit de moi : Zoé Herzine Hoibian-Labonne.
Je vous rappelle que j'ai 16 ans, que je suis instruite en famille pour le moment depuis 10 ans et que j'ai pour passion la lecture et l'écriture. Me voici donc apprentie écrivain de langue française. Vous pourrez me lire chaque dimanche dans mon récit de jeune romancier français en herbe !
Voici donc les rêveries du dimanche #18 !
Le premier épisode du feuilleton ici !
Et le deuxième ici !
Le troisième ici !
Le quatrième ici !
Le cinquième ici !
En
m'approchant de la galerie de Catherine, je commence à percevoir des
éclats de voix. Je suis un peu en retard, mais ça ne me dérange
pas trop. Je préfère arriver quand il y a déjà du monde afin de
ne pas trop me faire remarquer.
J'étais
plutôt calme en partant de chez moi, mais à présent que je
m'apprête à pousser la porte, mon cœur accélère sa cadence. Ça
fait longtemps que je n'ai pas parlé avec une femme, du moins une
qui me plaît, et je n'ai pas envie de tout gâcher.
La
galerie est déjà occupée par une bonne vingtaine de personnes.
J'essaie de repérer Lucie, mais je ne la vois nulle part. En attendant
qu'elle arrive – et dans la mesure où je ne connais personne –
je me contente de regarder l'exposition. Sur des fonds lumineux,
souvent en contre-jour, se dégagent des visages en noir et blanc.
Inconscients de l'objectif du photographe, ils regardent au loin. Je
suis plongé dans la contemplation des photographies lorsqu'une main
se pose sur mon épaule. C'est Catherine. Je réprime un petit
sursaut. J'avais presque oublié que la raison première de ma venue
ici n'est pas mon amour de la photographie.
-« Bonsoir
Catherine », dis-je.
-« Bonsoir,
Arthur. Tu es là depuis longtemps ? »
Honnêtement,
je n'en ai aucune idée.
-« Non,
je ne crois pas », je réponds pourtant.
-« Je
suis contente que tu sois venu voir cette exposition »,
continue-t-elle.
J'ai
la désagréable sensation qu'elle sait exactement pourquoi je suis
ici. Je lui souris et me dirige vers le buffet. Je ne sais plus trop
si je souhaite vraiment voir Lucie ou non. Je suis en train de peser
le pour et le contre de la situation tout en grignotant distraitement
des cacahuètes quand, pour la deuxième fois de la soirée, je sens
une main sur mon épaule. Je me retourne, m'attendant à voir
Catherine, mais ce sont les yeux bleus de Lucie que mon regard
rencontre.
-« Je
ne m'attendais pas à vous voir ici », dit-elle simplement,
sans sourire.
Je ne
sais quoi répondre. Moi si, c'est pour ça que je suis venu. Moi si, mais j'avais peur que vous ne veniez pas tout en ayant peur
que vous veniez. Moi si, je suis même renseigné sur vous
parce que, depuis ce matin, vous n'avez pas quitté mon esprit.
Toutes
ces pensées (et bien d'autres) s'entrecroisent et tourbillonnent
dans ma tête, de sorte que tout ce qui parvient à sortir de ma
bouche est un "ah" très peu engageant. Je m'attends à ce
que Lucie se montre étonnée de me voir ici, agacée de ma réponse,
voire les deux, mais elle sourit avant de dire :
-« Catherine
m'a dit que vous étiez là. Je viens d'arriver »,
ajoute-t-elle comme pour s'excuser.
Je
lui rends son sourire, toujours sans rien dire. Je profite de notre
silence commun pour l'observer un peu plus en détails, ce que je
n'avais pas pris le temps de faire ce matin.
Elle
a remonté sa chevelure en un chignon haut rehaussé d'une pique à
cheveux, ce qui lui découvre la nuque et révèle un grain de beauté
situé sous son oreille gauche. Elle est habillée simplement, d'une
robe patineuse vert d'eau. Elle est plus petite que ce que j'avais
pensé.
-« Alors,
vous aimez la photographie ? »
La
question de Lucie me prend légèrement au dépourvu.
-« Celle-là,
oui », dis-je en englobant la pièce de la main.
-« Je
n'ai pas vraiment pris le temps de regarder l'exposition en détails »,
avoue-t-elle sans se départir de son sourire.
Nous
continuons à discuter tout en faisant le tour de la salle
d'exposition. Contrairement à ce que j'avais imaginé, une fois lancé, les mots viennent facilement. Lucie s'intéresse, en plus du
dessin, particulièrement à la photographie et prend son temps pour
m'analyser ses clichés préférés. Je l'écoute sans vraiment
prêter attention à ses paroles, me concentrant plus sur ses
mimiques que sur ses mots.
-« Et
si on sortait ? », dis-je soudain.
Lucie
s'interrompt et regarde autour d'elle avant de répondre :
-« D'accord. »
Une
fois dehors, nous nous éloignons un peu de la galerie, marchant côte
à côte dans les rues presque vides.
-« C'est
étrange », je commence, « j'ai l'impression qu'une
éternité s'est écoulée depuis ce matin. »
Lucie
laisse échapper un rire.
-« Moi,
j'ai plutôt le sentiment que tout c'est passé très vite. »
Elle
lève la tête vers les étoiles naissantes et dit :
-« Je
voulais savoir, qu'est-ce qui t'as vraiment poussé à venir vers moi
au bar ? »
Nous
sommes presque à la sortie du village. Après les dernières
maisons, les réverbères laissent la place à la nuit. Je viens
juste de me rendre compte que Lucie me tutoie.
-« Eh
bien, je ne te connaissais pas. Tu étais un nouveau détail dans ma
routine du samedi matin. De plus, je voulais vraiment savoir ce que
tu dessinais. Et puis... » J'hésite à laisser sortir cette
dernière phrase. « Et puis, tu es jolie. »
Cette
fois, Lucie s'arrête. En plein milieu de la route. Et elle se tourne
vers moi.
-« C'est
vrai ? C'est pour ça, et pas pour de "la curiosité mal
placée" que tu t'es levé ? »
Maintenant
que je l'ai exprimé à voix haute, ce sentiment me semble tellement
plus simple à aborder.
-« Oui.
Oui, c'est ça. Je ne l'ai pas dit parce que je ne voulais pas être
trop... insistant. » Je ne suis pas sûr que ce soit le mot
juste. « Et toi ? Pourquoi t'es-tu retournée ?
Pourquoi n'es-tu pas partie ? »
Lucie
pose ses yeux dans les miens.
-« Parce
que tu as parlé de maladresse, tu as dit « mais pourquoi
suis-je aussi maladroit ? » ou quelque chose comme ça, tu
te souviens ? Et la maladresse, ça me connaît. »
Sa
dernière phrase me fait sourire. Nous sommes deux maladroits qui ne
savons pas quoi faire, debout au milieu d'une rue qui est déjà
presque une route. Lucie commence à frissonner. Je prends ses mains
dans les miennes. Elles sont glacées.
-«
J'ai froid », dit-elle.
Et
cette déclaration s'avère être le déclencheur de je ne sais
quelle réaction qui me fait me pencher très légèrement en avant
et l'embrasser.
Mais
contrairement à ce qui passe dans les films, le temps ne s'arrête
pas et un orchestre symphonique n'accompagne pas ce moment. Nous nous
séparons et une bonne minute s'écoule avant que l'un de nous ne
prenne de nouveau la parole.
-« Je
ne crois pas que ce soit une bonne idée », articule Lucie.
« On se connaît à peine et puis, je viens de sortir d'une
relation compliquée et je ne crois pas avoir envie de d'en commencer
une autre. »
-« Je... »,
commence-je, « je comprends. Je comprends ce que tu peux
ressentir, enfin je crois. »
Finalement,
après un dernier regard, nous reprenons notre route, moi vers ma
ferme, et elle vers la galerie. Une seule fois, je me retourne pour
lui crier :
-« Merci ! »
La suite : dimanche 19 Juin...
Hey There Delilah (Plain White T's)
(Cover sur ma chaîne YouTube !)
Et si vous voulez écouter le texte....
A bientôt !
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